vendredi 18 décembre 2009

Birmanie



Partons du principe que vous êtes comme moi il y a 2 semaines, que vous n'avez que de vagues images et réminiscences qui vous traversent l'esprit quand on vous dit: "Birmanie".
Partons aussi du principe que les longues descriptions ne sont pas votre tasse de thé et que vous voulez des explications rapides et ludiques. (Argh, je m'engage, je m'engage !)

Alors en gros, la Birmanie, pour moi, c'est le plus beau pays du monde, un pays empreint d'une atmosphère unique, et celui où la population est la + hospitalière au monde, (ce sera tout, oui).
Cette position me permet au moins de balayer d'un geste la question qui est sur toutes les lèvres: "pourquoi la Birmanie ?"

Après informations moultes et variées, il s'avère que c'est la vérité, et plus encore.

Infos de base pour savoir où je mets les pieds



Avec ses 676 577 kilomètres carrés (soit France+Belgique) pour 53 millions d'habitants (soit moins que la France), la Birmanie est un joli bébé à poil ras (600 000 moines tondus, ça pèse dans la balance).
Cela dit, ses parents sont plutôt du genre sévères: il y règne une dictature militaire depuis 1962.
Il a des tas de frères et soeurs: le Bangladesh et l'Inde à l'ouest, la Thaïlande, la Chine et le Laos à l'est, le golfe du Bengale au sud ouest.
C'est aussi l'un des pays les + pauvres de la planète...et un pays compliqué. Ca commence dès le visa, valable seulement 28 jours sur place, et seulement 3 mois après émission (si j'avais voulu finir par la Birmanie, je n'aurais pas pu faire faire mon visa en France avant de partir, car décembre + 3 mois= mars, or j'aurais quitté la Birmanie en avril, il aurait donc été périmé... ce qui m'aurait obligée à faire faire le visa birman en Inde ou au Sri Lanka, pas impossible, mais complexe !)

Jusqu'à il y a 3 ans, la capitale était Rangoon (Yangon); c'est désormais Naypyidaw (ville créée dans la jungle au milieu de nulle part pour isoler le gouvernement - le protéger des manifs de la population ?...-).

Il y a 5h30 de décalage horaire (vers l'avant). C'est à dire que pendant mon périple, en hiver, quand il sera midi en France et que vous vous lèverez prestement de vos chaises pour aller casser la croûte, il sera 17h30 là-bas et je serai probablement en train de méditer sur la terrasse d'une pagode au coucher du soleil (et oui, si le climat est plutôt correct en janvier, environ 30°, glagla ^^, la nuit tombe dès 18h !)

Les personnages centraux ici sont les militaires, suivis de près par les moines, vêtus de toges orangées, et les nonnes, en rose. Sachant que devenir moine représente pour la majorité des enfants le seul accès à l'éducation.

Notre bébé parle essentiellement le birman, un peu l'anglais, et beaucoup de dialectes (shan, karen...)
Il est très majoritairement bouddhiste (Theravada) : il cherche à transformer le monde par l'abstinence (euh, on ne parle pas ici d'abstinence sexuelle, entendons-nous bien, si tel était le cas, ça voudrait dire que les 53 millions d'habitants seraient consécutifs à une importation massive en provenance de l'étranger, ce qui reste à voir).
Bref, "abstinence" en birman signifie au quotidien un programme plus tendu que la cardio au club de gym, c'est à dire: méditation, évitement des passions et des désirs, qui sont la cause de la souffrance. Donc pas le droit de sauter sur la fille de vos rêves sans préavis, pas le droit d'être jaloux si votre mec parle un peu trop aux seins de la voisine, pas le droit de tuer votre petit frère sans lui avoir demandé la permission, ni de convoiter, même en rêve, les 6 bons numéros du loto.
Ironie du sort, quand même, les généraux à l'origine de la dictature n'ont pas dû méditer assez: ayant pourtant eu la même éducation bouddhiste que leurs petits camarades asservis, ils ont sans complexe institué le travail forcé et autorisent la torture.

Enfin, en Birmanie, comme dans peu de pays en Asie, on mange beaucoup de riz (htamin) et de currys (ou ragoûts) appelés hin, sans oublier la soupe nationale consommée au ptit déj, la mohinga, composée de nouilles et de...poisson !



Le pont en teck d'Amarapura, que j'espère immortaliser aussi bien...!


Mais aussi...de l'insolite !

-Les femmes sont considérées comme impures. Donc outre le fait que je ne puisse pas approcher un moine à moins de 3 mètres, je vais sans doute devoir faire une croix sur une super rando de 3 jours de Kalaw au Lac Inlé si je ne trouve pas un compagnon de route pouvant faire office de faux amant. Hihi ! bon, expliquons, car je sens une pointe de curiosité malsaine: lors de cette rando, il y aura 2 nuits à passer: l'une chez l'habitant (bien qu'ils n'aient pas le droit d'héberger des étrangers...), et l'une dans un monastère. Or, une fille seule n'a pas le droit de dormir dans un monastère, la messe est dite, si vous me pardonnez la boutade.
Pour les couples, pas de souci, mariés, ils dorment ensemble, non mariés, ils dorment séparément, mais ne sont pas jetés hors du monastère comme une vulgaire célibataire.
P.S: ajout du 3 décembre: quelqu'un m'a répondue sur un forum: "Le monastère ou l'on dort le 2e soir accepte les femmes. Tout le monde est mélangé et dort à même le sol dans la grande salle, couvertures fournies par les moines !"
Youhouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu :D (outre le fait que l'expression "tout le monde est mélangé" prête un peu à confusion, suis-je la seule à fantasmer sur le fait de passer 8 heures à ronronner en équilibre entre les pieds d'un bonze et les aisselles d'un touriste peut-être portugais ?)

-2 trucs qui me font mourir de rire au sujet des moines (ou "bonzes"):

Petit a: en-dehors des donations en monnaie sonnante et trébuchante dans les temples, on peut donner à manger aux moines. Oui, les nourrir.
Mon guide précise: "pas de gaffe, on ne donne plus à manger aux moines après 12h". Ami des cacahuètes, bonsoir ! (je sais que ça n'a rien à voir mais je peux pas m'empêcher de penser que ça fait un peu zoo, et puis surtout, je me vois, en train de taper mon récit du jour sur ce blog: "je suis sortie de ma guest house, j'ai flâné un peu jusqu'à la pagode Shwedagon, où j'ai donné à manger aux canards, je veux dire, aux moines." 'Lol', comme disent les jeunes.)

Petit b: je lis dans mon guide: "on ne s'approche pas trop près d'un moine. On s'assoit plus bas que lui." Et le magnifique: "On ne marche pas consciemment sur l'ombre d'un moine, elle fait partie de sa personnalité". Bon, je ne retiendrai qu'une chose: dès que je verrai un moine, VADE RETRO SATANAS !!! Trop de risques de fauter ^^

Pourquoi ma maman peut flipper

- Les bus de nuit ne sont pas ce qui se fait de mieux en matière de sécurité. A côté, le RER C à minuit et demi, c'est le ptit train de Disneyland. Non pas que les gens soient méchants, mais sur les routes, il y a plus d'ornières que de goudron, et on met environ 15h pour faire Yangon/Mandalay, soit environ 600 km.

Je cite: "Il est impensable qu'un étranger conduise en-dehors des villes: routes défoncées, code de la route inexistant, trafic chaotique, etc." (moi, là-dedans, c'est le "etc." que je préfère, car je me demande ce qu'il pourrait y avoir de pire: des traversées d'éléphants intempestives ?!)
je continue: "la conduite se fait à droite, du moins en principe". De préciser ensuite que la plupart des bagnoles sont japonaises. Or on roule à gauche au Japon, et le volant est donc à droite. Donc, ceux qui ont une bagnole japonaise roulent à gauche. Donc les birmans conduisent soit à gauche, soit à droite, en fonction de l'horoscope du jour ou du bon vouloir du nat (esprit imploré) , enfin, j'imagine.


-Bagan, LE site archéologique birman à visiter à vélo avec ses 2000 temples disséminés dans la nature, est le paradis des serpents, et ils sont crès crès méchants (comme diraient les Inconnus). Ai-je précisé que certains de ces temples n'étaient pas éclairés et qu'au seuil de chacun, on devait obligatoirement se déchausser ? ^^

-Suite à la mise en résidence surveillée d'Aung San Suu Kyi, qui je le rappelle a gagné les élections à la tête de la ligue démocratique en 90, et qui se retrouve enfermée par la junte, les USA ont décidé d'un embargo sur les visa. En clair, on ne peut pas payer par carte bleue en Birmanie. Et on ne peut pas non plus retirer de cash. Nulle part. Et c'est le genre de détail pratique sur lequel on passe vite fait mais où l'on revient instantanément en disant: "Gné ??" Bé oui, l'occidental primaire, moi y compris, se retrouve paumé, largué, complètement dépassé sans sa CB !
Ne pas retirer d'argent où l'on veut, quand l'on veut, ne pas pouvoir tendre nonchalamment ce petit carré bleu en disant, détaché: "c'est pour moi, bébé", c'est être privé de la plus grande liberté.
Mais surtout, ça oblige à évaluer à l'avance, et surtout ne pas se planter pour ne pas manquer son vol retour (il faut 10 dollars américains pour sortir du pays, et bien sûr, un billet NICKEL CHROME, voir le chapitre sur la thune en Birmanie.)
En somme, ça oblige à réfléchir.

Ca oblige aussi à se ramener dans le pays avec toutes ses économies en bandoulière (pour la durée du séjour), en euro ou en dollars.

Alors, au-delà du simple aspect pratique, ça engendre une interrogation toute vitale: nous, pauvres caucasiens, dont la tête semble déjà sertie d'un énorme diamant aux yeux des asiatiques quand ils nous aperçoivent sortant de l'aéroport, on peut se dire que, connaissant cet embargo et son effet, on se change carrément en coffre-fort vivants et qu'ils n'ont qu'à nous attendre avec l'artillerie lourde !
Et bien non ! désolée maman, tu n'auras à flipper que du manque d'argent pour cause de mauvaise gestion du budget, pas pour cause de vol à main armée: les joies de la dictature, paradoxalement !

En effet, si un birman venait à ne serait-ce que penser une seule nano seconde: "tiens, si je lui dérobais quelques billets" en fixant un touriste, il serait aussitôt repéré par la junte (le Big Brother télépathique) et envoyé aux travaux forcés, voire pire. La répression envers le peuple est telle, depuis des années, que la Birmanie est limite le pays le plus sécuritaire pour une femme voyageant seule (pfff, je viens de bousiller dans l'oeuf toute l'aura de courage qui m'auréolait).
Les birmans, déjà plus miséreux que la misère même et habitués à ce régime, vivent constamment dans la peur des délations et des déplacements de population (la junte a déplacé des villages pour rendre Bagan plus "présentable" aux touristes. Du coup, les locaux ont dû construire de nouvelles maisons (ou plutôt bidonvilles), au milieu de rien, dans des terrains souvent infestés de malaria).
Tout ça pour dire que chaque jour que Bouddha fait, le birman de base s'éveille, surpris et heureux de trouver encore une molécule d'oxygène à se mettre sous le poumon.
S'il respire, c'est déjà bien. Alors agresser un touriste...

Et même si je me faisais attaquer, grâce à ma résolution du: "je ne laisse pas un moine s'approcher de moi à moins de 67 mètres pour être sûre de ne pas commettre d'impair envers la loi", je suis au moins sûre de pas me faire détrousser par l'un d'eux. Ce qui réduit indubitablement le champ des possibles quant au suspect, une bonne partie de la population mâle étant moine.

-La junte se permet quelques filatures de touristes, a fortiori lorsque ceux-ci paraissent suspects: à quoi paraît-on suspect ? On est suspect lorsqu'on est occidental (sic), suspect lorsqu'on visite une pagode tout seul (sic), suspect lorsque on est femme (impure donc carrément coupable). Les militaires ont particulièrement une dent contre les journalistes clandestins qui témoignent, incognito, de la répression.
C'est pour cela que pour ma demande de visa, à la rubrique "métier", mon guide conseillait: "si vous êtes écrivain ou journaliste, mettez le métier que vous avez toujours rêvé d'exercer, mais mentez". J'imagine mal une écrivain obèse remplir: "danseuse étoile" ou un frêle reporter assurer qu'il est astronaute, mais passons. Je n'ai pas eu à me pencher sur la question, étant "unemployed".
Enfin, je me demande tout de même si le fait d'écrire mon journal de bord en public peut avoir de graves conséquences. Ils peuvent me prendre pour une farouche opposante (ce que je suis de toute façon). En tout cas, je risque fort d'être suivie à un moment ou à un autre...ouuuhhh quelle excitation !

-Je compte passer un concours pour intégrer un conservatoire d'écriture en rentrant. Or, il y a plusieurs étapes, dont l'envoi d'un dossier, avec un synopsis (résumé de scénario) à écrire sur un sujet imposé. Comme la vie est bien faite, en 2010, le sujet sera mis en ligne en janvier, pas en avril.
Ce sera sans doute au moment où je serai en pleine cambrousse birmane.
Quand j'aurai réussi à trouver un ordinateur qui fonctionne, qui est connecté à Internet, et que l'électricité se sera stabilisée un tant soit peu, je pourrai accéder au sujet. Après, il me faudra rédiger le truc, retrouver un ordi, le renvoyer par mail à quelqu'un qui l'imprimera et enverra mon dossier en 6 exemplaires.
Imaginons que le sujet soit "Espionnage", que, démunie d'ordi, je sois contrainte de le rédiger à la main et de l'envoyer par fax (contrôlés par l'Etat), et qu'ils se mettent à traduire ma prose.
Je risque, sinon l'incarcération, du moins un interrogatoire en bonne et dûe forme (un touriste ayant photographié un bâtiment militaire s'est vu interrogé pendant 4 heures).

Claire, mais pourquoi te fais-tu tant de mal ?

Et oui, que de perspectives excitantes...

... mais toujours plus sympas que d'être birman en Birmanie, à savoir:

-Vivre dans la peur perpétuelle d'être enrôlé de force dans l'armée, d'être déplacé ou condamné aux travaux forcés: certains birmans doivent par exemple construire des infrastructures, bénévolement, après leur journée de travail. Ca peut être un pont, une route, un aéroport...le but, développer le...tourisme, et redorer le blason du pays "merveilleux".
- Ne pas pouvoir accueillir d'étrangers chez soi
-Etre confronté à la propagande et à la censure (ils doivent payer une fortune pour avoir internet)
-400 000 soldats en Birmanie, dont 70 000 enfants (minimum), dont certains n'ont que 11 ans.
-Le peu d'accès à l'éducation, et la pauvreté due en majorité à un gouvernement répressif qui a isolé le pays pendant des années, le privant d'un développement économique et social, et qui l'ouvre aujourd'hui à des capitaux étrangers rentrant principalement dans les poches des militaires.
[Photo]
Et malgré tout, la Birmanie reste "le pays des sourires". C'est pour ça que j'y vais, pour leur montrer qu'ils ne sont pas tout à fait oubliés, pour ressentir cette atmosphère unique, a priori envoûtante, mais qui cache une dure réalité.
Parce que le débat"faut-il boycotter la Birmanie ?" n'a pas vraiment lieu d'être pour moi: il faut boycotter les tour operators, les hôtels, les taxi et les restos gouvernementaux. Mais il ne s'agit pas de boycotter...les birmans eux-mêmes !!!



Ci-dessus, la pagode Shwedagon à Rangoon, en attendant MES photos !

Maintenant, en lien avec la carte ci-dessus, voici (à peu près) l'itinéraire:
(au début je voulais prévoir le moins possible mais on se rend compte que les transports sont galères et qu'il faut donc préparer un minimum...)

-Yangon (Rangoun), arrivée le 14 janvier = 2 jours

-Départ pour Mandalay en bus (paix à mon corps, futur trombone plié si j'en crois les récits des survivants sur les forums, du genre manchette de journaux: "Ils l'ont fait !!!") = 1 nuit

-Mandalay avec quelques excursions à Inwa (pas sur la carte), Amarapura et Sagaing = 3 jours

-Mandalay/Bagan en bateau le long du fleuve lrrawaddy = 1 jour (forcément un mercredi ou un dimanche, seuls jours où un bateau "lent" effectue le trajet: pourquoi un bateau lent ? Pour pouvoir voyager sur le pont avec des birmans, des chevaux et des sacs à patates, et pas avec des touristes !)

-Bagan: la ville aux 4000 temples à visiter à vélo en journée et en grimpant sur le toit d'un temple au coucher du soleil = 4 jours

-Kalaw, en montagne (pas sur la carte) en chameau, enfin, en bus = 1 jour

-Kalaw/Lac Inle (le lac sous Taunggyi) en rando pédestre de 60 km avec guide = 3 jours

-Lac Inle: balades sur le lac et autour (agriculture sur l'eau et pêche traditionnelle) = 4 jours

-Pindaya (grotte aux 8000 bouddhas au nord du lac) = 2 jours

-Heho (aéroport près du lac) pour aller à Keng Tung (à l'est, près de la frontière laotienne) en avion, pas le choix car route coupée aux étrangers, avec plein de villages ethniques à visiter en randos avec guide = 5 jours

-Keng Tung/Yangon en avion

-Yangon = 1 ou 2 jours encore


-Puis Yangon/Madras (Chennai) le 10 février et début du périple en Inde du sud.

Je sacrifie donc tout le sud, sud ouest, les plages de Chaungtha, Ngapali, le site de Mrauk-U à l'ouest (je vous vois froncer les lèvres, mais pas de panique, faut le prononcer 'Maou' comme un chat), le sud est et l'extrême nord...

Tention, faut pas croire que j'ai fait mon itinéraire comme ça les doigts dans le pif ou qu'au contraire, que je l'ai fait au pif...
c'est ça que j'aime dans la préparation des voyages: au début on lit des noms qui ne nous disent que niet, puis à force de comparer sur le web, de lire des récits de voyages, les noms commencent à revenir, à parler, à sonner de + en + familiers...puis à sortir du lot, à m'appâter et à me dire: "viens par là...!", "et aussi là, et ici...et ici..."

mardi 15 décembre 2009

Pour des dollars neufs, faudra repasser

Il est 1 heure du matin, je ne comptais pas pondre un billet (haha c'est le cas de le dire...) à ce stade des préparatifs, mais après tout, à moins d'un mois du départ, il est temps pour moi de vous familiariser avec mon amie: "la monnaie en Birmanie"que j'ai déjà eu largement l'occasion de côtoyer, pour mon plus grand bonheur (où ça, du cynisme ???)

Pour que vous parcouriez à mon rythme ce charmant chemin...de croix, je vais vous baliser le terrain et reprendre au départ.

1ère étape, des discussions ça et là que vous entrapercevez sur des forums:


"Pour les dollars, le meilleur change se fait avec des coupures de 100 dollars : 1100 kyats. Sinon l'euro se change également 1 euro = 1500 kyats
Pense aussi à prendre des petites coupures de dollars, c'est pratique pour payer les hôtels ou l'entrée des sites touristiques"

1ère étape, et premier "Gné ?" qui arrive au triple galop, maman, pourquoi ils parlent de dollars?


La 2ème étape sonne la fin de ma naïveté printanière:
à en croire tout le monde, la Birmanie tolère 2 monnaies, voire 3.
-Le kyatt (prononcez "Tchiatte", comme c'est charmant), pour les repas, les transports locaux et les souvenirs.
-Le dollar américain, pour tout site touristique (autrement dit pour les poches de madame junte militaire) et pour tout hébergement.
- L'euro, qu'on échange contre des kyatt à un meilleur taux que les dollars (mais ça dépend des gens, des lieux, de l'heure, et aussi du temps qu'il fait).

Voila la suite des épisodes "sur les chemins de la connaissance financière birmane", au gré des réponses glanées sur le forum voyage:

(si si, lisez tout, ça se boit comme du ptit lait, bon ok, comme de la mohinga, mais ça mérite le détour, cf quelques contradictions qui se répondent, vert/rouge vert/rouge)

"Pour les coupures de USD, il faut prendre les billets de $50, $20 et bcp de $1"

"Perso je dirais de prévoir quasiment que des EUROS et des grosses coupures"

"Des dollars pour la Birmanie et surtout des billets en bon état car les billets en mauvais état ne passent pas."

"ceux qui conseillent uniquement le dollar n'ont pas été récemment en Birmanie.

l'euro est très bien accepté un peu partout, pas la peine de changer tous vos euros avant de partir en dollars et avoir des frais inutiles (taux de change et commission)"

"l'idéal est d'avoir 50% d'euros et 50% de dollar (petites coupures plus pratique) billets en bon état. La moindre éraflure et on vous refuse le billet."


"Que vous partiez avec 1000 EUROS ou 1500 DOLLAR US quoi qu'il arrive vous aurez l'argent sur vous! Donc convertir les 90% en kyat à votre arrivée à Rangoon est la solution. Les billets de 1000 Kyat existent!!!!
Je rappelle : 1000 euros = 9778 kyat
1500 dollar = 9764 kyat"


"tu y connais absolument rien, le dollar c'est 1100 kyats donc 1500 dollars 1650000 kyats"


"1 Dollar américain = 6.54620 Kyat birman
1 Euro = 9.81347 Kyat birman
1 Dollar américain = 6.54620 Kyat birman
1 Euro = 9.81347 Kyat birman"

"NON, 1 $ n'égale pas 6 Kyats mais bien aux alentours de 1100 Kyats.
Pour 1500 dollars à 1100 kyats le dollar on reçoit effectivement 1650000 kyats. On se retouve donc avec 1650 billets de 1000 kyats en remplacement de 15 billets de 100 dollars ou 30 de 50. Ce n'est pas la même chose dans la pochette !"


"J’ai changé 1500 euros soit 2154$
1$ = 1150 kyats

Soit 2154 * 1150 = 2 477 100 kyats

Si j’avais changé mes euros

1 euro = 1500 kyats

Soit 1500 * 1500 = 2 250 000

Gain d’avoir fait le change

2 477 100 - 2 250 000 = 227100 kyats

Soit 197, 4 $"

"En passant de l'euro au dollar puis au kyat on obtient donc 1679 K pour un euro (1150 X 1, 46) contre 1500 K en passant directement de l'euro au kyat"

Et la grande gagnante: "Tout ce qui est en dollar, on le paye en €, et tout ce qui est en kyat, on paye en dollar."

Vous l'aurez compris, cette lecture fort instructive nous emmène dans l'album:"Les 12 travaux d'Astérix" page 'la maison des fous'.
Tout ce que ces échanges inspirés m'inspirent, c'est de déplacer la problématique à l'échelle humaine, pour bien comprendre; être concret, en somme: supposons que la monnaie figure des gens:
D'après les conseils, il convient d'amener avec soi 50 européens et 50 américains. Les américains s'échangeront comme de vulgaires esclaves contre des nuits d'hôtels (ou plus raisonnablement, de bouis bouis) et des entrées sur des sites archéologiques. Les européens, eux, seront troqués contre des birmans, qui eux-mêmes serviront à payer la bouffe et les ptits transports.
Attention, s'il reste des birmans à la fin du séjour, ils ne seront pas récupérables contre de nouveaux européens, n'étant pas autorisés à sortir du pays. Il faudra donc bien prendre soin de tous les écouler sur un marché quelconque, contre des laques ou de fausses pierres précieuses. Et n'oubliez pas votre formulaire E455.
C'est tout de suite plus clair, nan ?
Alors, étant vraiment nulle en maths et en conversions, à chaque fois que je paierai un truc, j'imaginerai plein de petits bonshommes geignards et récalcitrants sortant de ma pochette ventrale. Bon, ça fait un peu accouchement, désolée, mais ça paraît en tout cas aussi épuisant !

A la 3ème étape, j'étais rôdée et j'avais à peu près budgété tout mon itinéraire ("à peu près" ? non ! La rigueur résiste encore et toujours à la négligence, dans un pays où un trou de 10 dollars peut signifier une impossibilité à repartir ! Beh oui, il faut s'acquitter de la taxe des 10 $ en sortant...)
Bref, j'avais parfaitement budgété mon itinéraire, et étais sûre de moi, sûre de dépenser exactement 3000 kyatt par repas et 6 dollars par nuit.
Ne me restait qu'à troquer des euro contre des dollars tous neufs.
Et ouiiiii, voilà la réalité la plus absurde du voyage
(à ce stade de préparation, du moins, car je pense que je ne manquerai pas d'encore + absurde là-bas) :
En Birmanie, il faut utiliser des dollars neufs. C'est à dire pas pliés. Pas marqués. Pas écornés. Je veux dire pas DU TOUT. Ils doivent donner l'impression de sortir du ventre de leur mère, pour filer la métaphore de tout à l'heure. D'être vierges de toute poche, de toute main.
Mais ma préoccupation première, cette semaine, était déjà de trouver un bureau de change avec le meilleur taux possible.
Pour 450 euro, j'avais calculé que je pouvais repartir avec 650 dollars.
Quelle ne fut pas ma surprise quand l'agence Travellex d'Opéra m'a annoncé la bouche en coeur (ou plutôt en $) "ça fera 524 dollars". Comme le voyage n'a pas vraiment commencé et que je ne suis pas encore en Inde, je n'ai pas osé marchander et me suis contentée d'un "mouais" désapprobateur.
Un peu plus loin, ils m'en refourguaient 588.
A St Michel, ça montait à 600, puis à 630. N'osant en croire mes tympans, j'ai carrément douté de leur honnêteté. Mais comme je suis cool, on a conclu le deal.
J'ai appris plus tard qu'un autre bureau m'aurait proposé 654. Passons.

L'étape suivante consistait donc à récupérer de jolis dollars, en somme, de taper ma crise, mon caprice de gamine, pour avoir de beaux billets. (C'est un peu comme les nouveaux-nés, on les préfère quand même lisses et non froissés).
Bref, l'agent de change n'avait rien de mieux à me proposer que des liasses entières de 10 et de 20 dollars donnant l'impression d'avoir passé la moitié de leur vie dans un sèche-linge, et l'autre moitié, dans la poche d'un féru de montagnes russes.
Il m'a dit: "Pour des dollars neufs, essayez de repasser demain". Je suis donc revenue le lendemain, pleine d'entrain, pour me voir souffler plein de billets de 1 par un monsieur pas cool juste avant moi. L'agent, super sympa, a quand même accepté de récupérer mes billets marqués de la veille pour des remplaçants...pliés.
Je reviendrai en janvier.
Du coup, j'ai quand même cogité sur sa ptite phrase et j'ai décidé de la prendre au mot.
"Pour des dollars neufs, faudra repasser".
C'est exactement ce que je vais faire. LES repasser. Au fer.
Photos à l'appui.